Découverte du Mont Albert, le 29 juillet 2023 dans le cadre d’une course de l’inclusion, organisé et supervisé par Fernand Courchesne.
Pourquoi inclusion ? Parce que notre mission est d’inclure une personne à mobilité réduite dans notre ascension au sommet du Mont Albert en faisant la boucle pour revenir. Un projet de plus ou moins 19 km, jamais réalisé par une personne paraplégique à notre connaissance.
La personne à mobilité réduite sera notre courageux, Denis Laliberté, dans cette aventure pionnière.
L’équipe
L’équipage est composé de 4 anciens coéquipiers de l’Acropole des Draveurs, Fernand, Dany Côté, Mathieu Duchemin et Denis. Puis Kim Boutin, sa maman Lucie Bilodeau, Aurélie Gicquel, Justin Langlais, Gabriel Lessard et Christian Vallée mon conjoint sont venus renforcer l’équipe.
C’est une première expérience de joëlette, pour Gabriel et Christian.
Matthew Gaines, scénariste, et sa conjointe étaient présents pour le tournage de vidéos, entrevues en prévision d’un reportage sur cet évènement exceptionnel.
Membres suppléants
Leurs présences ont permis d’immortaliser des moments clés de cette expédition. De plus, ils ont su apporter leur support moral, non négligeable, dans des moments importants de difficultés.
Sans même s’en rendre compte, en nous interrogeant, cela me faisait prendre conscience de ce que je vivais dans l’instant. J’exorcisais mes doutes, mes craintes devant le micro. Cela me permettait d’analyser et mieux ressentir les situations, les émotions aussi. Un extra que j’ai beaucoup apprécié.
Documentiare à venir
Quand on accepte ce genre de mission, on sait qu’on va devoir travailler fort. Se dépasser pour faire vivre la meilleure des expériences à une personne qui ne pourra pas revenir sans une équipe telle que la nôtre aujourd’hui.
L’idée de filmer cette journée est d’en faire un documentaire pour faire tomber les barrières limitantes dans la tête des personnes qui pensent qu’une personne en fauteuil roulant ne peut rêver d’aller voir les montagnes au sommet.
Notre slogan pour se donner de l’énergie était: “Ensemble on est plus fort, Vive l’inclusion”.
Départ 8h
Le temps de compléter les entrevues d’avant départ, nous partons 2 heures après l’horaire prévu. Oups, il faut prévoir les frontales. La montagne est considérée la plus difficile au Québec, on ne peut se permettre de ne pas avoir de lumière si la nuit nous prend…
C’est la première fois que l’équipage se rencontre. Mais, je n’ai aucun doute que l’on va réussir. L’expérience de l’Acropole me donne cette confiance. J’ai vu de mes yeux l’énergie, la puissance et la force que l’union d’une équipe pouvait ressortir et je suis convaincue qu’ici, ce sera pareil. Je peux le lire dans chacun des regards.
Ici, tout le monde a la volonté de donner son meilleur et plus, plus, plus, plus…
Sherpa
Dans toute équipe, chacun a son rôle à jouer, chaque personne a son utilité. Il suffit de se connaître et de se respecter pour que tout roule. Je serai donc la sherpa pour contrôler plus facilement mon genou et mon dos. J’informerai aussi les randonneurs de notre mission.
La conjointe de Matthew m’a secondé et soulagé de mon sac rempli de “au cas ou” pendant 3 heures sur la boucle du retour. Les porteurs m’ont proposé à maintes reprises de le porter un peu, mais pour moi c’était impensable. Je ne pouvais pas aider sur la joëlette, donc je me sentais à ma place en faisant la sherpa du groupe.
Fernand m’a dit qu’il avait allégé le sac du sherpa…Mon dos, mes hanches et mon genou ne sont pas de cet avis… Sans doute ma mémoire qui me fait défaut… Mais non, je pense plutôt que c’est le sac à dos qui a fait la différence, car pour l’Acropole j’avais transféré le stock de l’équipage dans mon propre sac à dos plutôt que de garder le sac de Fernand. Celui-ci est un peu grand et me déséquilibre si mes pieds ne sont pas sous mon tronc.
Note à moi même, comme en course à pied, utiliser l’équipement qui a été testé en entrainement.
L’ascension
Je ne sais pas si c’est normal, tout le monde est très détendu, aucun stress apparent. Chacun trouve sa place autour de la Joëlette, et c’est parti… On avance d’un bon pas. J’ai du mal à suivre la cadence. Je suis à la traîne. Chaque pas est une douleur sur le genou avec le poids du sac. La vitesse de l’équipage est surprenante pour grimper…
Je transpire à grosses gouttes… Peu importe, je me laisse distancer, Lucie et la conjointe de Matthew ont un rythme similaire au mien. On va grimper ensemble, quelques mètres en arrière.
Nous arrivons au belvédère le temps de le dire. Déjà plus d’ un km de fait. Wow, ils sont malades, crinqués comme ça ne se peut pas…
La coordination
Je suis impressionnée par la bonne coordination de l’équipage. Dany, Mathieu, Justin et Fernand se relaient entre la tête servant de tracteur et le frein arrière tout en passant de temps à autre sur les latéraux de la Joëlette.
Quant à Kim, Aurélie, Lucie, Christian et Gabriel, ils maintiennent tirent ou freinent selon leur position du moment pour accompagner le tracteur de l’équipage. Le tout rythmé par la voix de Denis du : “1 – 2 – 3 – Go”.
Que c’est beau de les voir aller, quelle belle équipe… Je ne vous l’ai pas encore dit ? J’adore ma vie, je savoure ce moment de voir cette belle coordination, quel bonheur d’être ici ! Merci Fernand pour cette merveilleuse idée, rendre l’inaccéssible accéssible…
Au sommet
Nous atteignons le sommet en 4h15 exactement, sans trop d’embûches. Je ne vois pas en quoi cette montagne est plus difficile que l’Acropole ?
Je garde cette interrogation pour moi. Je ne veux pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir gagné. Je ne relâche pas ma motivation ni mon énergie.
Il reste 12 km de descente. Selon mon expérience la descente va beaucoup plus vite. Je fais une estimation rapide qu’on va réussir à rentrer dans les 12 heures comme prévu. On pourrait même avoir de l’avance…
Il fait froid, un petit vent dans le brouillard, pas très agréable. Une partie de l’équipage se promène au sommet le temps que je vais me cacher du vent, m’habiller plus chaudement, dans l’abri des rabougris.
Finalement, Christian, Matthew et sa conjointe, Lucie, Kim, puis tout le monde arrivent un à un, pour se restaurer au chaud.
Disparition de la brume
Quelques randonneurs ainsi que Lucie, la jeune fille de la Sepaq, nous attendent au sommet.
Lucie est la personne du parc, en charge de vérifier si nous avons besoin d’aides. Elle nous décrit le paysage et les montagnes qui nous entourent, nous en donne un très beau résumé en nous expliquant leur histoire.
Comme nous menons une belle vie, la magie opère et la brume disparaît sous nos yeux. Nous assistons à son lever de rideau. C’est magnifique, le relief se dessine, met ses couleurs pour mieux laisser paraître ses silhouettes. On ne pouvait espérer un meilleur spectacle, la cerise sur le gâteau.
Kim Boutin
Aurélie Gicquel
Un défi au sommet
Souvent, les gens me trouvent folle… Je ne comprends pas trop pourquoi… moi j’trouve que je
suis normale, mais que eux, manque cruellement de créativité et d’ambition… Pis après, quand
j’y repense …ben, j’me dis que j’ai bien fait de m’écouter moi et pas eux, parc’que j’aurais loupé
de belles occasions de rire ! On rigole quand même moins en patate sur un sofa ! Alors, ok,
peut-être que je suis folle ; si écouter son enfant intérieur, c’est être fou, alors oui, c’est certain
que je suis folle…et j’espère le rester le plus longtemps possible surtout!!
5h20, mon réveil sonne. À vrai dire, j’ai pas tant
de mal que ça à me réveiller, et comme (presque)
chaque nuit en camping, je suis contente de me
déplier enfin. À peine sortie de l’auto, je vois
Denis, déjà bien réveillé, en train de monter sa
chaise de torture ! Serre bien les boulons, tu vas
être bien brassé tantôt mon ami !
7h45 : c’est parti ! Mathieu prend les devants et mène la jolie petite troupe ! J’essaie de suivre
le rythme, mais arrivé dans la première montée, je lâche mon côté : ça va trop vite, je ne veux
pas m’épuiser dès le début, on a près de 18 km à faire aujourd’hui, inutile de se fatiguer tout de
suite, on a toute la journée pour ça ! Pis c’est pas grave, j’en profite pour être à l’arrière, avec
Sherpa Béa, Fabienne et Lucie. On jase un peu, entre deux souffles. Fernand nous rejoint pas
longtemps après : lui aussi est parti trop vite et est au bord de la crise d’asthme… ça commence
bien !
Belvédère de la Saillie.
Le singe de l’équipe grimpe sur la rambarde et
nous bénit ! 1,6 km d’avalé, comme si de rien
n’était ! Mais les kilomètres suivants vont être
moins faciles ! J’arrive plus ou moins à me
raccrocher à l’équipe, mais le chemin se
rétrécit, sur les côtés, c’est plus difficile
d’aider ! Matthieu fait un travail de fou à
l’avant, il encaisse les chocs, garde son rythme
! Wow ! Good job ! On traverse des ruisseaux,
une rivière, sans ponts, évidement, sinon, ça
serait trop simple, puis ça ne nous salirait pas !
C’est quand même beaucoup plus drôle d’être les pieds dans l’eau ! Fougères et rhododendrons
mouillent nos pantalons… c’est pas grave, on sera juste plus propre et rafraichi ! Nous n’avons
que de rares répits sur des chemins de bois. On croise un crapaud rougeâtre. Et puis ce sont les
escaliers de roches. Quelques rares éclaircies dans le bois nous offrent un paysage blanc
brumeux… j’espère que le ciel va se dégager quand on sera là-haut !! Justin a pris le relais à
l’avant. Il avance, imperturbable. Kim et Christian sont eux aussi à l’avant, mais en position de
chiens de traîneau, avec les sangles. Ils ont l’air de bien s’amuser ; le rire de Kim résonne dans
l’équipe ! On essaie des rotations dans les positions de la joëlette. Les latéraux aident comme ils
peuvent… le sentier étant par endroit très très étroit. Denis se tient aux troncs, aux branches,
aux roches, il nous aide comme il peut ! Merci ! « Un, deux, trois, hop ! » On soulève, on
avance : une roche de passée ! Mattiew fait ses intervalles : tantôt à la course à l’avant, tantôt
immobile pour nous prendre en photo ! Franch’ment, bravo pour ta résistance !
Un panneau indique le sommet dans un kilomètre. À partir de ce moment-là, tout est à 900
mètres !
Les arbres se rabougrissent, la brume s’intensifie… le sommet approche. Il nous reste un mur à
franchir, je le sais, j’ai prévenu les autres la veille : à quelques pas du sommet, on aura un bel
obstacle, qu’on va passer, certes, mais qui nous donnera du fil a retorde.
Je ne m’étais pas trompée. Il a l’air de rien ce petit mur de roche de
quelques mètres de haut. Mais rien n’est infranchissable pour
l’équipe ! Après un rapide cocus, pour définir la meilleure stratégie,
on se lance. Personne ne veut tomber, ripper ou glisser, la
concentration est palpable. À vrai dire, je ne sais pas trop comment
on s’y prend, qui est à l’avant, qui est à l’arrière… Je suis sur le côté
gauche une fois de plus et j’aide comme je peux. On monte
doucement, un soubresaut à la fois. Aucune idée du paysage, je suis
focus sur mes pieds et la barre de la joëlette que je ne veux surtout
pas lâcher. Et puis…on est passé ! On a réussi ! On arrive presque au
sommet !
Bien sûr il y a encore un peu de roches sur le sentier, mais « un, deux, trois, hop !» et on y est !
Merci Gang ! Le ciel est brumeux. Ça me fruste ! J’aimerai tellement que Denis puisse voir
l’immensité du paysage ! La toundra du Mont Albert, le Plateau de Moïse !
On se dirige vers l’abri du rabougri pour manger. On y pénètre comme on peut pour se restaurer
tout en écoutant les explications de Lucie, la garde parc. Elle est impressionnée par ce que nous
venons de réaliser… et ce n’est que le début, elle le sait encore plus que nous ! Mattiew nous
filme, prend des photos, nous jasons… et miracle, le ciel se découvre. Denis, dos aux fenêtres, ne
le sait pas encore, mais il va finir par le voir le « Lac Saint-Jean » ! Il se retourne et sa face est
gravée à jamais dans ma mémoire ! C’est pour ça que je fais des défis ! Pour voir des faces
comme ça ! Pour voir l’émerveillement des gens ! Pour voir des yeux s’illuminer, briller de dix
mille feux ! Pour ressentir tout cela en symbiose avec un groupe car non, la randonnée n’est pas
un sport individuelle, les émotions se partagent, elles bouillonnent entre les êtres. Le temps en
changeant en montagne, pour le meilleur comme pour le pire, mais aujourd’hui, c’est pour le
meilleur et c’est grandement apprécié ! La brume se lève tant que l’on voit tout le plateau de
Moïse ! C’est encore plus beau que c’est inespéré ! Merci la vie ! Nous ressortons prendre des
photos, bien méritées ! On immortalise ces moments, ces émotions et ces paysages dans nos
cœurs ! Que nous sommes chanceux !
Le cœur plein de joie, l’estomac restaurés, nous repartons pour les 12 kilomètres et quelques
qu’ils nous restent…, car oui, nous n’en avons fait « que » 5,6… L’aventure est loin d’être
terminée !
Traverser le plateau de Moïse me semble chose facile, car il y a plein de
portions en chemin de bois… oupsy…on dirait que ma mémoire m’a joué
un tour… en fait, il n’y en a pas tant que ça… piouf, qu’il est loin le
belvédère ! Le sentir est bien plus souvent en roches qu’en bois… Tant pis,
on y arrivera quand même ! Le mental est là, on y arrivera !
Arrivés au belvédère, la vue est
plongeante sur la Grande Cuve
toute de serpentine vêtue… et on
va en bouffer de la roche orange
! Le sentier est loin d’être
terminé ! On commence à
descendre, un caillou à la fois,
tout doucement, laissant le
temps aux latéraux de se replacer
comme ils peuvent entre chaque
levée. « Un, deux, trois, hop ! »
Des fois, on fait des variantes :
« Trois, deux un, go ! ». Dany
amorti les chocs à l’arrière. Cet
homme est une machine ! Avec Gabriel, on retient comme on peut avec nos sangles. On voit la
cascade qui n’en finit pas. Le sentier qui continu, encore et encore. Les quelques fois où je me
retourne, j’ai l’impression qu’on n’a pas bougé, qu’on fait du surplace, mais non, nous
continuons d’avancer vers les sourires de Kim, à l’avant qui nous motive à 300%. Ta ténacité est
un exemple à suivre pour nous tous ! On continue toujours, une roche à la fois : « Un, deux,
trois, hop ! ». Finalement, c’est ça notre cri de ralliement, au nombre de fois qu’on l’a dit… Un
panneau indique le kilométrage jusqu’au centre de service et jusqu’à l’abri de la serpentine… ce
panneau est désespérant… en même temps, vue à la vitesse à laquelle l’on avance, c’est
normale que les kilomètres ne défilent pas, mais quand même, encore plus de 4,5 km pour l’abri
de la serpentine, c’est beaucoup ! Mais on ne se décourage pas, on continue « Un deux, trois,
hop ! ». Ça remonte un peu, encore dans les roches, puis, ça redescend, toujours dans les
roches. On voit quelques névés de neige persistante au loin, beaucoup plus p’tits qu’il y a deux
semaines. Les montagnes en face sont
colorées : oranges dans le bas puis vertes et
enfin brunes au sommet, on distingue bien
les différents étages de végétation
montagnard/sub-alpin/alpin. Le panorama
est incroyable ! Un livre de géographie à ciel
ouvert ! Béatrice, ça lui fait penser à la
Réunion. J’aime ça les montagnes dénudée,
juste en roches…mais, aujourd’hui, en
joëlette, je préférerai plus de chaume et de
sentes de mouton ! « Un deux, trois, hop ! »,
toujours cette même rengaine !
Je dois me concentrer plus sur ma sangle que sur
le paysage, mais c’est tellement beau ! J’ai beau
le connaître, ce paysage, il m’émerveille toujours
autant ! Nous arrivons bientôt à un tablier
d’éboulis où le sentier n’est tracé qu’avec des
cairns… ça promet d’être joyeux et de tout
repos… Mais, BAM, la joëlette avance, Dany
trébuche, sa tête frappe quelque chose (la
joëlette ? une roche ? en tout cas, pas quelque chose de mou !) Son épaule fait une drôle de
gymnastique. On s’arrête. Comme à son habitude, après quelques secondes, il nous annonce
que tout va bien (mais il a mal, ça se voit, mais c’est un roc parmi les roches!). Arrivés vers les
premiers cairns, nous nous arrêtons pour prendre une pause. J’en profite pour manger (j’avais
oublié que je m’étais prise un cookie aux Folles Farine! Bonne nouvelle !). Une salade de fruit
plus tard : BOUM ! C’est au tour de Denis de tomber… la joëlette n’était pas stable quand nous
l’avons déposé. Au final, plus de peur que de mal. On voit quelqu’un qui monte, c’est
Dominique, un garde-parc, qui, emballé par le projet à Fernand, a décidé de se joindre à nous
pour la descente ! Deux bras frais, ça n’est pas de refus ! Il nous reste quand même 9 km, soit la
moitié de la randonnée ! Je suis convaincue qu’une fois arrivée aux arbres, le chemin sera plus
praticable…que nenni ! Les roches se succèdent aux cailloux ! Dominique porte mon sac, ça me
fait du moins, de me soulager un peu le dos et ça me permet d’être plus à l’aise pour me faufiler
entre les roches quand le chemin se rétrécit.
Quand je tire la joëlette par l’avant, dos au
chemin, j’arrive mieux à voir où est la
roue, à anticiper sa trajectoire et ainsi à
mieux savoir quand les à-coups de montée
et de descendre vont résonner dans mon
dos. Alors oui, je ne vois pas où je mets les
pieds, mais j’ai confiance en les crampons
de mes Salomons… et puis la serpentine,
c’est une roche qui agrippe bien ! « Un
deux, trois, hop ! ». Parfois, les roches
sont remplacées par des racines ; ça
donne une impression de changement.
Par chance le soleil est parmi nous et nous réchauffe, je n’imagine pas ce chemin sous la pluie !
Nous sommes chanceux ! On suit toujours la rivière. Le paysage est magnifique ! Les rayons du
soleil couchant font encore plus ressortir l’orange des roches avoisinantes ! C’est de toute
beauté ! Le terrain s’aplani un peu. C’est déjà ça de gagné ! Et puis, chaque pas nous rapproche
de l’arrivée, c’est indéniable ! Mais l’équipe commence à fatiguer. Ça fait plus de 10 heures que
nous sommes partis, c’est honorable ! On commence à élaborer différentes stratégies pour finir
au plus vite ET sécuritairement. Dominique propose qu’on se rende jusqu’à l’abri de la
serpentine et qu’après une personne du parc vienne prendre Denis pour le ramener en quatre-
roues en bas pendant qu’on descendrait avec la joëlette vide. Ce plan de match me parait bien
au vu de l’état de fatigue de tout le monde, Dominique a beau être venu en renfort latéral, on
commence à faiblir. Je suis à l’avant, tantôt à reculons, tantôt avec le harnais selon l’inclinaison
de la pente. On va en rêver de ces roches ! Nous traversons encore une fois la rivière, sans pont,
ça parait technique, mais nous ne sommes plus à ça prêt, on a vu tellement d’épreuves depuis
ce matin que c’est pas un passage à gué qui va nous arrêter ! « Un, deux, trois, go ! » Ça aussi,
on va en rêver, de cette phrase ! De l’autre côté, sans surprise, c’est un chemin de roches qui
nous attend ! Même pu peur ! On est tout content quand il y a 4 à 5 mètres consécutifs de
terres sans caillou ! C’est ça vivre le moment présent ? À ma gauche Dany qui se prend tous les
sapins, épinettes, rhododendrons et autres végétaux de ce genre, à ma droite Justin qui m’aide
à trouver le meilleur chemin. Denis compte les éternels « Un, deux, trois, hop ! ». Je ne sais
même pas qui est à l’arrière – je suis trop concentrée entre les roches qui vont me taper dans le
dos et celles qui sont sous mes pieds – mais j’ai confiance. Quand il m’arrive de relever la tête, je
m’extasie du paysage, pourtant pas si changeant d’une fois à l’autre vue notre vitesse. Encore
900m avant l’abri de la serpentine. On traverse la rivière via des ponts, ça change! Et c’est très
apprécié ! Nous sommes plus bas, il y a plus de végétation, un petit peu plus de chemin de bois,
qui sont autant de petits moments de répit pour l’équipe. On quitte un peu la rivière pour, enfin,
ce rendre à l’abri de la serpentine ! Ouf ! Juste avant la nuit ! Tout mon corps veut juste
s’allonger dans le peu d’herbe qu’il y a au sol et arrêter de souffrir, mais ma tête me supplie
d’être vigilante car je ne vois pas de quatre-roues…
Oupsy, est-ce moi qui ai mal compris ! Mais le quatre-roues est encore à 1,2km de là… Ok ! Je
déteste les personnes qui sont malhonnêtes dans leurs explications pour soi-disant motiver les
autres, moi ça me coupe les pattes ! Lucie, prend mon sac pour que je sois plus à l’aise avec le
harnais et c’est reparti ! Plus les pauses sont longues, plus c’est dur de repartir ! Allez, go ! Faut
repartir ! Le moral des troupes n’est pas à son plus haut, j’essaie tant bien que mal de donner du
peps quand j’entonne les fameux « Un, deux, trois, go ! », mais je sens l’équipe faiblir. On
avance à la frontale. Mathieu est parti devant avec Dominique pour rapatrier son auto et ainsi
venir nous chercher à l’arrivée. Ça fait 4 bras en moins… Allez, «Un, deux, trois, go ! ». J’essaie
de m’engager dans le meilleur du sentier, mais c’est pas facile quand on avance à la frontale !
Une chance que Justin ait un véritable lampadaire sur la tête ! Ça m’aide grandement ! Je sens
toute l’équipe à bout. Même Dany a arrêté de faire des blagues ! Par chance, Denis reste un
véritable capitaine de navire, une vigie de bateau ! Je ne l’ai jamais entendu ne serait-ce que
soupirer une seule fois, alors, que nous, on s’est tous plaint à un moment donné, lui est resté
positif tout le long ! Merci à toi ! Je te considérai comme un fou avant, maintenant, je te
considère toujours comme un fou, mais comme un fou courageux ! Parce qu’il en faut du
courage et de la folie pour embarquer dans une aventure comme celle-ci avec des inconnus,
pour bouffer du caillou durant des heures et garder le sourire ! « Un, deux, trois, go ! », combien
de fois j’ai entendu et répété cette phrase aujourd’hui ? Une roche de plus de passée, c’est
toujours un pas de plus vers l’arrivée, enfin, vers le quatre-roues ! Le chemin, qui était censé
s’améliorer, ne s’améliore pas pantoute, mais c’est pas grave, de toute façon, c’est pas comme
si on avait d’autres choix ! Alors : « Un, deux, trois, go ! » et une roche de passée ! C’est
dommage de ne pas voir le lac du diable, décidemment, il restera un lac en noir et blanc pour
moi pour toujours on dirait ! Sofia, la garde-parc et conductrice du quatre-roues est loin devant.
Je ne la vois plus depuis un moment. On avance dans un chemin qui, je pense, a vu son dernier
quatre-roues il y a bien longtemps… C’est long, c’est étroit, c’est encombré de tous côtés, tout le
monde est fatigué. Justin m’aide à trouver le chemin le moins difficile. À part les traditionnels
« Un, deux, trois, go ! », plus personne ne parle. Je fixe l’objectif : un panneau avec un truc
lumineux au sommet, il parait que le quatre-roues est juste à côté, mais maintenant, je me
méfie… on ne sait jamais où il va être vraiment ce fameux quatre-roues… finalement, je suis
persuadée qu’on aurait eu moins de misère par l’autre chemin. Enfin, on voit les lumières
rouges du quatre-roues ! Ouf !! Il était temps ! On se positionne à côté et Denis embarque
dessus tant bien que mal ! Piouf !! On est plus léger ! Dany lâche la joëlette « Moi, chu pu
capable! ». Denis et Sofia
démarrent. Lentement, très
lentement. On allait presque
plus vite en joëlette. Lucie se
propose pour prendre l’avant
de la joëlette vide. Merci du
fond du cœur ! Dany se met à
pousser à moitié le quatreroues (pour quelqu’un de « pu
capable », je trouve qu’il a
encore un peu d’énergie moi !).
Je crois que c’est à ce moment-là que Béatrice et Christian ont pris les devants pour pouvoir
nous chercher en auto par la suite, mais je ne le sais pas plus vraiment, j’étais trop concentrer à
recharger mes batteries ! On regarde Denis se faire brasser sur le quatre-roues et Dany le tenir
comme il peut, au risque de se faire écraser. Puis le quatre-roues s’arrête et on décide, pour la
sécurité de tous, de remettre Denis dans la joëlette,… et c’est reparti pour les fameux : « Un,
deux, trois, go ! ». La pause que m’a offerte Lucie a été bénéfique et c’est avec un nouveau
regain d’énergie que je reprends la tête de la bête à roue avec mes deux latéraux Justin et Dany
(pas si fatigué que ça finalement!). On fait quelques centaines de mètres à pieds
supplémentaires puis on arrive enfin à une piste de quatre-roues plus praticable… Denis qui
disait tantôt que ça faisait longtemps qu’il n’avait plus fait de quatre-roues, il va être servi ! On
le rembarque sur le véhicule, Lucie reprend le harnais de la joëlette vide et tout ce beau monde
continue la descente comme il peut. Ça va quand même plus vite quand c’est vide une joëlette !
et on est moins obligé d’amortir les chocs ! J’essaie d’aider un peu sur un bord, tout en éclairant
le chemin pour Lucie, mais parfois, les grands trous d’eau m’obligent à faire des détours. Pauvre
Denis, il a dû avoir quelques sueurs froides encore ! Mattiew et Fabienne partent devant pour
pouvoir marcher à leur rythme ; on ne peut pas leur en vouloir, ils ont beaucoup donné et les
chevilles en jell-O de Mattiew réclament leur lit. De mon côté, je suis bien contente de ne pas
avoir d’ampoule aux pieds ; un vrai petit miracle ! Merci Anne ! La descente s’effectue presque
rapidement. À un moment donné, ayant retrouvé des forces, je reprends le harnais et avec
Gabriel à l’arrière, on continue la descente en parlant de chose et d’autre. La prochaine fois que
j’irai à Matane, il faut que j’essaie cette poutinerie qui a gagné des prix ! « Parking Ruisseau
Isabelle 1,8km » Youhou !! J’espère que nos amis seront au stationnement quand on arrivera ! Il
commence à faire froid juste avec mon t-shirt, mais je préfère garder mon rechange bien sec si
jamais on décide d’attendre les voitures au parking.
Enfin, on est au parking ! Youhou !! Mais pas de voiture. Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on
démonte la joëlette et on attend les autres en auto ou bien est-ce qu’on continue à marcher sur
la route pour se rapprocher le plus possible du camping à pied (et ainsi pas se refroidir) ?
Finalement, on décide de continuer. Au pire, on n’a « que » 8km à faire HAHAHA!! Même pas
drôle ça !
Gabriel troque sa place à l’arrière de la joëlette avec Justin et on commence à marcher sur le
bord de la route. J’ai accroché mon sac sur le siège afin de soulager Lucie et pour pouvoir quand
même mettre le harnais (et ainsi moins maganer mes bras). Mathieu arrive en auto ! Yeah !! Il
embarque pas mal de monde ! En fait, il embarque tout le monde sauf Gabriel, Justin, la joëlette
et moi. Alors, on continue tous les trois notre marche le long de la route. Puis arrive Christian
avec son pick-up ! Yeah, on va pouvoir rentrer au camping ! On démonte la joëlette comme on
peut (Fernand est parti et on n’a pas pensé à lui demander comment il fallait faire), on la met
dans la boîte et là, Christian nous annonce qu’il ne peut embarquer plus qu’une seule
personne… Oh ! Bon, ben, Gabriel rentre vu qu’il a encore 40 minutes de route pour rentrer
chez lui. Et je me retrouve à marcher le long de cette fameuse route du parc avec Justin, en
espérant que les autres pensent à venir nous rechercher ! Ça serait cool de voir un orignal !
…mais non. Une fois rentrée au camping, aurais-je assez de motivation pour reprendre mon
auto pour aller me laver au camping du mont Albert ? Pas sûr de ça moi ! Je pense que je vais
plutôt essayer de manger quelque chose… bien que je n’ai pas très faim. C’est sur ces réflexions
qu’à 23h55, Matthieu arrive ! Youhou !! On va rentrer au camping ! Pour une bonne nuit dans
l’auto ! Yeah !! Un repos bien mérité !
Une journée riche en émotions fortes ! Wow ! Je ne regrette rien de cette journée ! Ni la brume,
ni la chaleur, ni la serpentine, ni les rires, ni la sueur, ni la fatigue, ni l’aventure, ni la descente !
Si c’était à refaire, j’y retournerai sans hésiter ! Après tout, c’est peut-être ça l’Alberté !
Merci à toute l’équipe ! Merci à Fernand d’avoir toujours des idées de génie ! Merci la vie ! Je
suis chanceuse !
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[…] si je ne possède plus le corps d’une championne, j’ai encore mon corps et mes 2 jambes pour donner le meilleur de moi-même, me faire plaisir, sortir à ma guise, respirer l’air […]