Le Mont Albert – 2ème partie

14 heures

On repart  du sommet du Mont Albert à 14h. Il va de soi que l’on ne souhaitait pas du tout faire une pause de 2 heures… Ah quand on est bien, que le temps passe vite… Difficile de repartir… C’est pas grave on a du temps en masse et l’équipe est en feu. Le premier km de descente passe très vite. Le paysage n’a rien à voir avec la montée que l’on a fait le matin.

Ce décor est de toute beauté et dépaysant au Québec. J’ai l’impression d’avancer dans un cirque comme à l’île de la Réunion, sans les odeurs sucrées.

Je savoure et emmagasine les images. Je m’imprègne des senteurs, menthe poivrée, pin et autres que je ne peux nommer… La beauté à profusion… Mais, qu’est-ce qu’il est rochant… Et ce, dans tous les sens du terme. Une roche n’attend pas l’autre. De très grosses roches, qui sont des obstacles à chaque tour de roue.

La serpentine

La serpentine a beau être belle, elle commence à me rentrer dans le corps. Je vois l’équipe s’affaiblir chaque minute. Les visages se font de plus en plus interrogateur. Les roches nous sortent par les yeux c’est évident. La rotation de l’équipage autour de la Joëlette est de plus en plus fréquente.
Le rythme est d’une heure trente par km.

J’admire les sourires et l’humour de l’équipage malgré la fatigue et la difficulté. Il y en a toujours un qui lance une blague ou un petit mot qui va nous faire rire aux éclats. Aurélie, Kim, Mathieu ou Dany sont très doués pour nous faire rire dans les moments plus difficile…

Je les vois puiser dans leur réserve. Les heures tournent, mais les km n’avancent pas. Je ne compte plus le nombre de fois ou j’ai écouté qu’il restait 900 mètres avant d’arriver au refuge de la serpentine, à croire qu’il n’existe plus…

Les pauses se multiplient, comme les contrôles sur la joëlette. Dans la cuve, au moment de revisser ses articulations très sollicitées, on constate que l’outil n’est plus… Oups, c’est embêtant !

Nos sauveurs

Devant ce constat, Justin reprend le chemin à l’envers en suivant la roue de la joëlette en quête de retrouver l’outil perdu. Au bout d’une vingtaine de minutes, il revient avec la clé précieuse… Incroyable, je n’aurais jamais pensé que c’était possible de le retrouver… Heureusement qu’on ne pense pas tous de la même façon… Félicitations Justin !

Quelques minutes plus tard apparaît un homme, remontant le sentier dans notre direction. Il nous en faut peu pour comprendre que c’est Dominique Leblanc, le directeur du service à la clientèle de la Sépaq. Nous devions le retrouver au chalet de la serpentine.

Ce chalet m’a l’air bien lointain… Pourtant il n’est qu’à 5km du sommet…

Petite inquiétude

C’est un plaisir de voir du sang neuf pour partager cette aventure. De plus, une personne qui connaît bien les lieux.
Dominique nous confirme que nous avons encore 9 km pour atteindre notre camping. Oh mon dieu… Panique dans mon cerveau… Selon ma montre c’était 5 ou 6 km, ce qui est encore beaucoup quand je vois comment nous sommes fatigués.

Tout le monde n’en peut plus de ces grosses roches qui sortent de terre. Elles obligent le portage de la joëlette, sans relâche. La joëlette est tout le temps calée et ne peut jamais se servir de son élan pour passer les roches tellement elles sont hautes… Je me sens démunis… Pris au piège par les roches… Pas le choix, on continue… Un pas à la fois…

Une équipe formidable

Malgré la difficulté, le doute et les craintes, tout le monde garde le sourire et sa bonne humeur. C’est inévitable, on va rentrer à la noirceur, aucune pensée négative n’est exprimée. Au contraire, on reprend notre courage et on repart.

À partir de ce moment, je me suis mis en mode Ultramarathon. Béat avance sans te poser de question. Tu arrêtes et penseras à tes bobos uniquement quand tu seras à l’arrivée. Soutiens l’équipe et reste en mouvement, peu importe la vitesse tant qu’on avance.

Il nous reste 3 – 4 – 5 ? Je ne sais pas, je ne sais plus…

Mode dépassement

Je visualise la satisfaction de l’équipe au fil d’arrivée. Je ramène l’objectif en première ligne de mes pensées pour ne pas paniquer. Je ne m’imagine pas du tout traverser ces kilomètres de roches la nuit. Et je veux encore moins voir l’équipage de la joëlette dans cette situation.

Une chance que cette équipe a un bon mental, tout le monde reste positif avec le sens des responsabilités.
Dominique et Matthew participent pour faire avancer la joëlette, soulager les personnes plus fatiguées. Merci les gars, vos efforts ont permis un répit à l’équipage. Une aide très apprécié.

Plan B

Nous sommes tous conscients que nous devons quitter le sentier technique le plus rapidement possible. Nous devons retrouver un sol plus accessible pour la joëlette et nous-mêmes.

Dominique nous propose de rejoindre un sentier de 4 roues. Une de ses collègues pourra reconduire Denis au stationnement et tous les autres pourront parcourir plus facilement les 5 km pour rejoindre le stationnement avec la joëlette vide.

Le plan serait que Dominique part en avant avec une personne qui pourrait faire les navettes en voiture entre le camping et le stationnement.

4 roues

Inutile de dire que le plan fût accepté, nous avions hâte de sortir des roches. Le chemin était encore long avant de voir arriver le sentier du 4 roues. J’ai toujours aucune notion du temps ou des kilomètres qui s’écoulaient, j’étais dans un autre mode…

Au bout d’un moment surgissant du sentier comme Dominique, apparu Sofia sa collègue de la Sépaq. Nous avons fait un bout tous ensemble puis le plan c’est mis à exécusion. Dominique et Mathieu ont pris les devants.

Le paysage était devenu secondaire. Il était toujours aussi beau, longeant la rivière, mais l’intérêt n’était plus là. Nous avions tous un œil, les uns sur les autres, une protection mutuelle s’était installée. Aurélie avait pris les rênes de la joëlette, et menait en main de maître l’équipage épuisé.

Un plan foireux

Sofia marche un moment encore avec nous, puis prend les devants à son tour pour nous attendre au chemin des 4 roues. Nous sommes dévorés par les moustiques. Ils sont insupportables. On empeste le chasse-moustiques, mais cela ne les chasse pas. On aurait du prendre des flambeaux pour se déplacer plutôt que des frontales cela aurait peut-être été plus efficaces.  Matthew et sa conjointe à leur tour partent devant pour rejoindre le stationnement.

On arrive au 4 roues piloté par Sofia. On se sent soulagé pour Denis qui va pouvoir souffler. Je me déleste du sac à dos de Sherpa.  En le déposant sur le 4 roues, je me sens libérée de ma mission. Je redeviens légère, cela me donne un regain d’énergie…

À peine installés sur le 4 roues, nous faisons tous le constat que cela ne convient pas à Denis. Il ne peut se tenir convenablement. Il glisse à droite, à gauche…. Ouff… Il y a encore trop de roches pour que ce soit sécuritaire.

Retour à la joëlette

Aucune hésitation pour tous les membres malgré l’épuisement. Denis reprend place dans la joëlette. Tout le monde est heureux de le transporter de nouveau.
Pour rien au monde on ne voulait le perdre. Il restait 500 ? 600 mètres ? 200 ?  Ceci n’est que bagatelle, un bonheur de revoir Denis en sécurité dans la joëlette, on retrouve notre joyaux.

Sofia voulait bien faire en venant chercher Denis dans le sentier rocheux, mais sans l’usage des jambes. Il est impossible de tenir en place juste avec les bras dans ce sentier.

L’équipage a parcouru avec fierté les derniers mètres de sentier rocheux avant de remettre Denis sur le 4 roues.

Retour au camping

La 2ème tentative du 4 roues a réussi, le terrain était plus plat, en roulant doucement Denis a pu se rendre au stationnement ou l’attendait Mathieu pour faire la navette. C’était 8 km de route qui séparait le stationnement du camping.

Le sentier de 4 roues n’avait plus de roches, mais fidèle à la gaspésie, la boue et les trous d’eau ont pris place.

Christian et moi avons pris notre air d’aller pour aller chercher notre voiture pour aider Mathieu à faire les navettes. Finalement, c’est la joëlette et Gabriel que Christian a pu ramener au camping, car nous n’avions plus les sièges dans le pickup.

Pas besoin de berceuse pour dormir, les roches du Mont Albert ont fait le travail.

Ce que j’ai appris

L’amour de la nature et des gens nous ont unis.

La confiance est primordiale dans ce genre d’aventure. On prend des risques, mais il y a toujours une personne en protection l’une pour l’autre, une parade.
Grâce à la méconnaissance de ce parcours, cet exploit a pu être réalisé. Mais attention pas n’importe comment, une forte préparation a été faite en amont par Fernand.

Toute l’équipe avait la préparation physique et mentale pour réussir. En étant tous des sportifs d’endurance, cela était un atout.
Les sourires et l’humour de chacun présent dans tous les cœurs tout le long de la journée malgré la difficulté ont été des facteurs importants pour passer à travers ce sentier.

Merci du fond du coeur à tous les membres de cet équipage extraordinaire.
Merci à la Sépaq pour cette collaboration exemplaire.
Merci Fernand pour ce défi exceptionnel.

Ensemble on est plus fort, Vive l’inclusion

Denis Laliberté 

Dany Côté

Le Mont Albert – 1ère partie
Bromont Utra 55 km

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