La Mascareignes est la plus petite distance que l’on peut disputer seule pendant le Grand Raid à l’ile de la Réunion.
Depuis toute petite je veux découvrir cette ile d’où vient ma cousine Lydie Débatisse. Mon amie Line Pelletier m’a fait rêver l’année passée en me racontant son périple sur la Mascareignes. Avant ça, je connaissais que la Diagonale des fous, course mythique de l’ile, réputé pour être la plus difficile du monde.
Ma résistance au soleil est très faible. Réussir 72 km est une bonne alternative et aussi bénéfique pour moi que de réussir la Diagonale de 165 km. Affronter ces montagnes, faire un corps à corps avec elles en les découvrant dans le délire de me dépasser.
J’aurais aimé faire la Diagonale des Fous bien sûr… Mais pour le moment je n’en ai pas la capacité. Je dois trouver des solutions pour courir au soleil plus longtemps.
Réussir la Mascareignes serait déjà un exploit pour moi. Je peux vous confirmer aujourd’hui que j’ai fait le bon choix.
Remise des dossards
Mon expérience des voyages avec décalage horaire me donne un bon avantage pour la récupération. Les 2 jours de vols ainsi que la reconnaissance de parcours ne m’ont pas fait cumuler de fatigue.
Je ne peux pas en dire autant pour la remise des dossards qui a été aussi éprouvante pour ne pas dire plus éprouvante que la course.
Des files d’attentes interminables pour récupérer le maudit papier nous autorisant à courir… Cela nous a pris toute la journée de la veille de course à piétiner et attendre, attendre, attende…
Mes amis Isabelle Bernier, Line Pelletier, Themy Del Campo et Joffrey Laurin, n’avaient pas la même heure et on mit 3 heures pour les obtenir.
Pour Véro Lécuyer, Christian Vallée et moi-même, nous avons pris la file à 1h30 et nous avons fini avec toutes nos affaires à 18h30. Nous sommes rentrés épuisés et déçus de cette expérience.
Le jour J
Enfin, c’est l’heure de vérité, le temps de valider si j’ai ma place dans la course de trail… Oui, en m’inscrivant à cette course, je me disais que si je n’étais pas capable de passer la ligne d’arrivée dans le cut off cela signifiait que je devais me remettre en question.
Il est 17h45 quand nous prenons la voiture afin d’aller la stationner à St-Denis non loin du stade La Redoute ou nous allons arriver.
J’ai hâte que le départ soit donné, courir, être dans le vif du sujet, ce pourquoi je suis la…
Nous avons de l’avance. Nous ne sommes pas les premiers pour autant. Un jeune réunionnais de 22 ans va prendre le départ avec nous. C’est sa première fois lui aussi… Il m’explique les difficultés des sections qu’il connait bien. Je le sens fébrile mais serein…
J’adore discuter avec cette jeune génération. Ça me rappelle ma jeunesse et les compétitions auxquelles j’étais sélectionnée mais que je n’ai pas pu me présenter en raison de mon milieu familial.
Il est 20h15 pile et une dizaine de bus bleus avec un écriteau Mascareignes arrivent. Wow, je suis impressionnée par cette belle organisation. Je regarde autour de moi, je n’avais pas remarqué tous ces coureurs qui nous avaient rejoint. Tous le monde s’empile dans les bus prévus à cet effet afin de nous conduire jusqu’à Hell-Bourg, notre point de départ.
Les gens nous saluent, nous applaudissent, les automobilistes nous klaxonnent pour nous souhaiter « Bon courage » l’ile entière vit le Grand Raid. Nous sommes choyés de vivre tout ça.
La dernière attente
Il fait froid, encore 2 heures d’attente avant notre départ. Véro est dans la première vague, Christian la 2ème et moi la 3ème, ce qui signifie que je vais partir 20 minutes après Véro et 10 minutes après Christian.
Il n’y a pas vraiment de place spécifique pour attendre au stade à Hell Bourg. On doit se protéger du froid et finir de se préparer comme on peut… On serait tellement bien dans la salle de gymnase qui est inoccupée ! Malheureusement, cette dernière est fermée.
On occupe notre temps comme on peut. J’aurai aimé m’allonger et dormir mais je ne veux pas prendre froid en me couchant parterre comme beaucoup font. Alors, je tue le temps en allant chercher un café et prendre un petit lunch offert par le Grand Raid.
Puis, ils appellent la 1ere vague. Tout est bien organisé et tu ne serais pas capable de prendre ce départ si tu n’as pas le bon numéro de vague, non, non, un entonnoir est formé pour atteindre la ligne tant convoitée.
500 coureurs par vague, prêts à se lancer avec le goût de se dépasser, Go Véro, Go, va nous chercher un podium…
C’est mon tour
La 1ère vague partie, aussitôt la 2ème est appelée, c’est donc au tour de Christian, j’espère que tout ira bien pour lui. Sa bandelette le titille et je le sens inquiet. Je reste confiante car il a fait beaucoup de progrès ces 2 dernières années. Il a appris à se connaitre et gère mieux ses courses selon comment son corps réagit à l’effort. Il a appris à l’écouter.
Je suis très fière de lui. Grâce à ça, nous pouvons partager des aventures comme nous sommes sur le point de vivre aujourd’hui.
J’emboite le pas de la 2ème vague, un dernier 10 minutes et il sera le temps de montrer notre travail de l’année.
Cette course est ma dernière de la saison. Celle ou je veux tout donner dans les cut off.
Si tout va bien, je pourrais la compléter en 15 heures. Mais, sur 72km, il peut s’en passer des choses… Alors, je devrais accepter et tout faire pour compléter…
Le premier ravito
Je suis prête, mentalement et physiquement. Je sens que je vais gagner, mon corps réagit très-bien, les jambes sont là, ma respiration est là, wow, c’est la première fois de cette année que je me sens dans mon corps de coureuse. Je suis aux anges…
Dès les premiers km, je suis capable de dire si mon corps est aligné avec ma tête, et aujourd’hui c’est le cas. Je fais mes 5 premiers km en progression pour bien m’échauffer surtout que c’est une forte descente.
Je reconnais ce que Line m’expliquait, ce qu’elle avait vécu… C’est fou, cela parait irréelle, je suis dans un rêve, c’est beau, je ris, je souris à toutes ces personnes venues nous encourager alors qu’il est 1h du matin… Le bonheur est bien là…
La partie facile (5km) du parcours est finie. On rentre dans le sentier et c’est la chenille qui démarre. Il fait nuit. Les multiples frontales permettent un très bon éclairage du sentier et dessine le sillon de ce dernier pour atteindre la montagne. C’est vraiment beau…
Le cortège
Nous avons entamé la première grande côte qui donne le 1er son de cloche. 1100 mètres de D+ sur 4 km, ça vous dit ? Je garde le rythme et préviens les coureurs que je dépasse afin de ne pas prendre le ravin. L’autre côté c’est la paroi. Je remarque que je dois dépasser par l’intérieur car l’extérieur me demande une plus grosse dépense d’énergie. Chose que je ne veux pas gaspiller bêtement.
Personne ne parle, c’est triste à mourir de grimper comme ça. On se croirait dans un cortège mortuaire. J’essaie de détendre l’atmosphère et demandant si toute la course va être dans ce silence solennelle.
On me répond que plus loin quand le sentier demandera moins de concentration et d’efforts les langues se délieront un peu. Il faut comprendre que cette course est très difficile, il faut donc conserver toute l’énergie pour les efforts et l’endurance.
J’arrive au ravito, en un claquement de doigt, super facile versus il y à 3 jours quand je suis venue en reconnaissance. C’est excellent, je m’en réjouis et je compte bien conserver ce rythme avant le levé du soleil, car une fois que ce dernier va sortir, je crains qu’il me mette à terre…
Des chutes, des chutes…
La température est excellente, il tombe une petite bruine qui est super agréable. Dommage que cela mouille les pierres et les rendent extrêmement glaçantes.
Je reste très vigilante, il tombe un coureur au 5 minutes. Comme se sont de grosses pierres partout, il n’est pas facile de s’en sortir indemne.
Je rejoins Christian qui justement est très prudent, je ne m’attendais pas du tout à le rejoindre aussi vite… Je prends les devant et il m’emboite le pas, jusqu’à ce que se soit moi qui fait le patatras…
Wow, merde… Je viens de tuer ma course… Je suis incapable de me relever. Mon genou à twister, crack, crack sur le genou, un coup à gauche, un coup à droite… Aille, aille, aille, j’ai pu retenir ma tête in extrémiste, ma joue a frôlé la roche. Mon épaule et mon bras gauche y ont pris, ma main droite me fait mal… Oh là là galère… Je demande à Christian de m’aider à me relever. Je ne peux plus poser mon pied… La douleur est atroce mais je dis à Christian que je vais récupérer doucement et qu’il est hors de question que ma course s’arrête ici.
Je n’ai pas fait tout ce chemin pour seulement 21km. Oh que ça fait mal… Même si je ne veux pas arrêter, il faut que je puisse supporter la douleur et pour le moment c’est loin d’être le cas.
Des secours sur le sentier
Je prends un Tylenol 8 heures que mon ami Joffrey m’avait recommandé. Au bout de 10 minutes, la douleur se place peu à peu. Il est très difficile de prendre l’appui, j’ai le goût d’hurler. Je dois laisser passer tous les coureurs que j’ai dépassé jusqu’ici.
Je ne me décourage pas. Je reste concentrer sur ma priorité, le fil d’arrivée. Pour ça, je me concentre sur moi pour ressentir au mieux mon corps. Je reste calme, respire doucement en profondeur. J’envoie de l’énergie dans mon genou qui en a bien besoin, j’essaie de trouver des solutions efficaces qui vont me pousser au bout.
Adieu plaisir, bonjour persévérance
Dès que je peux remettre un peu de poids sur ma jambe, je demande à Christian de continuer sa course. Je veux qu’il puisse vivre son aventure, son défi, si je n’arrive pas à finir, lui a encore ses chances.
Il reste avec moi jusqu’à ce que je croise des secours à 3 km du prochain ravito.
Ces derniers désinfectent la plaie mais n’ont pas grand chose avec eux. Ils trouvent mon genou très enflé et ne veulent pas me faire perdre mon temps alors qu’à 3km des infirmières avec équipement pourront me donner de meilleurs soins.
La suite de mon aventure dans La Mascareignes après la chute.