Course Cryo

Pas de commentaire

La course Cryo ! On l’attendait tous, ce jour «J»! Quand je dis tous, je parle des coureurs de ce fameux 33 km pour la traversée du Lac St-Jean. Tellement de stress, d’inconnu, d’inconfort règnent dans la préparation de cette course assez spéciale.

Mon truc, toujours se rattacher à la cause, à pourquoi je fais ça afin de rester dans mon bien être, en harmonie avec mes choix.

Une course est avant tout personnel, mais ici ce n’est pas pareil, c’est en priorité pour ces jeunes atteints du cancer, pour mes donateurs qui m’ont soutenu et me font confiance et ensuite pour moi, mon dépassement personnel.

C’est dans cet ordre précis que je me suis entraînée et c’est avec vous, amis et lecteurs que j’ai réalisé cette traversée.
Chaque pas a été fait avec Sarah-Jeanne Noël de St-Nicephore dans mes pensées. Cette jeune fille de 22 ans atteints du cancer, qui se bat pour avoir un peu d’aide, un peu de soutien. Elle ne rentre dans aucune catégorie d’ordre général pour être soutenu.

Sarah-Jeanne Noël

Avant départ

J’arrive à la dernière minute pour prendre mon départ, j’aime pas ça. Je préfère être sereine, faire mon repérage, m’imprégner des lieux, me visualiser dans la situation.

Mon chéri est secouriste à la patrouille de Bromont, les vendredis soirs jusqu’à 23h. Nous sommes donc partis à 7h du matin, le samedi de la course. Une météo assez stressante pour faire la route avec un repos de seulement 6h, enfin bref, tout le contraire de ce que je préconise.

Je voulais fermer les yeux, m’allonger pour faire le vide trente minutes avant de me rendre au départ pour l’autobus. Le temps de retirer mon dossard, manger sur le pouce dans la chambre et c’était l’heure.

Horreur, malheur, un vrai cauchemar… Pendant cette minie coupure, jai rêvé qu’on me coupait mon pied gauche et que je faisais le choix de continuer à courir comme Terry Fox avec un ressort métallique…

Voyage en autobus

Nous avions l’obligation de prendre l’autobus pour nous rendre au départ. Cela m’ennuyait, je respecte les consignes même si ce n’est pas dans mes idéaux.

Le fait d’être obéissant est toujours payant, grâce à cette obligation j’ai pu constater que je devais faire des ajustements sur ma tenue vestimentaire.

Oui, en attendant l’autobus, je sentais beaucoup de frais sur les jambes, mes 3 épaisseurs étaient insuffisantes pour faire 33 km avec ce vent. Mes lunettes de protection ne conviendraient pas non plus, je prenais déjà froid aux yeux.

Mes lunettes de ski se trouvaient dans mon sac à dos, problème réglé. Je donne à Christian mes lunettes fantaisistes pour la journée et réfléchis à une solution pour mes jambes.

Notre hôtel est à 2 minutes en voiture. Je demande à Christian s’il peut aller me chercher un pantalon ouaté, celui, prévu pour mon après-course. Par dessus mes 3 couches, cela devrait me permettre d’arriver au 3ème ravitaillement. Ici, je retrouverai mon pantalon coupe-vent, prévu pour la dernière partie du parcours.

Le hic, Christian devait faire l’aller-retour juste pour ce pantalon. 90 minutes de route pour ça… Je l’informe de mon idée. Tout en le laissant décider de faire ou non le voyage.

Le départ

Je suis dans ma bulle, je suis physiquement là, mais mentalement, je suis déjà dans ma course. Je ne comprends rien à ce qui se passe autour. Je vois sans voir, je regarde sans regarder, je suis concentrée, c’est très rare que je me renferme comme ça. Cela faisait partie de ma préparation, ne pas prendre ou écouter les craintes des autres coureurs. Je visualise mon arrivée.

Il fait froid. Il fait blanc, du blanc partout avec des dessins d’humains sur les murs blancs, un blanc immaculé. Je n’ai jamais vu ça en vrai, uniquement dans mon imagination du paradis. Les images créée quand j’écoutais la chanson de Michel Berger, « Le paradis blanc ».

Christian m’a apporté mon pantalon, il est mon sauveur du jour. Aussitôt enfilé, je ressens tout de suite fait la différence. Je suis prête. Je vais réussir.

Tous les tests que j’ai faits m’ont permis d’ajuster ces points importants à la dernière minute. Courir à Drummondville et au Lac St-Jean à la même température ne donnait pas le même sensation sur le corps. Le vent apportait une grosse nuance. Ici, c’est l’hiver, le vrai.

Ces ajustements m’ont permis de retrouver mon confort de course.

1er Ravito

Aujourd’hui, je ne cours pas 33km. Non, je vais un ravito à la fois. Une distance de 5km environ les sépare, mais ce n’est pas important. Ce qui compte c’est traverser.

Je pars dans les premières pour prendre de l’avance sur le dernier, parce que je sais que je vais marcher rapidement.

Je ne peux pas courir, la COVID m’a laissé des séquelles. On appelle ça, la Covid longue dans le jargon médical. Moi, j’appelle ça la poisse. Depuis, je n’arrive plus à courir. Je reprends progressivement, mais c’est long, c’est difficile. J’étouffe à l’effort, résultat, mon cardio monte avec des fréquences à plus de 200. J’ai dû accepter cet handicape et ajuster ma préparation.

Depuis le 13 janvier, j’ai travaillé la marche rapide pour me permet de rester avec des fréquences cardiaques acceptables. Or, si je cours je regrimpe rapidement à 200 et plus. Je sais exactement quand je vais trop vite pour mon petit coeur.

J’essaie malgré tout de courir les premiers km. Au bout de 200 mètres de course, je prends ma marche de croisière, je m’étouffe. Je ne persiste pas, car ça aussi, j’ai testé…

2ème Ravito

Si je me suis fait doubler par tous les coureurs ou presque sur le premier km, la tendance s’inverse depuis la borne 27.

Je rattrape les coureurs assez facilement, les double, leur demande si tout va bien. Tous sont surpris de mon dépassement à la marche. Je ne m’attarde pas, car je sais que j’ai une traversée à la marche à faire et toutes les minutes sont comptées.

Dès l’instant que tout est ok pour eux, je trace ma route sans jamais me retourner.

Étrange sensation, tout ce blanc partout, ça fait tellement irréel. Le balisage est présent tous les 100 mètres, mais on ne le voit pas, les murs, le ciel, le sol, blanc, blanc, blanc et encore blanc… Les coureurs devant moi disparaissent et réapparaissent comme si mon imagination me jouait des tours. Aucun doute, je suis au paradis blanc.

Avant d’arriver au 2ème ravito, un médical contrôle chaque coureur pour vérifier s’il n’a pas d’engelures.

Wow, j’avoue que c’est très rassurant de passer ce contrôle, je me sens en complète sécurité. Je suis impressionnée par le déploiement des équipes, nombreuses et attentives.

3ème Ravito

Il fait froid, mais je suis bien, mon corps va bien. La nuit arrive peu à peu et on sent une pression chez les motoneigistes.

Beaucoup de va-et-vient parfois à vive allure comme pour palier à une urgence, parfois avec de forts ralentissements à hauteur des coureurs pour s’assurer que tout se passe bien pour chacun de nous.

Ils font un travail extraordinaire. Moi, je suis dans ma bulle et j’avance vers mon 3ème ravito, sans perdre mon allure. Je suis super bien, heureuse et reconnaissante de vivre cette course Cryo. Je veux donner l’exemple de la persévérance à ces jeunes. Même si ce n’est pas facile, il faut creuser, chercher au fond de soi pour continuer à aller toujours droit devant.

Cela fait 2 ou 3 km que je suis repartie de mon 2ème ravito quand une main sur mon épaule se pose. J’hurle, un cri de la mort. Je suis seule au milieu de nulle part. Juste le bruit du vent, je ne vois rien et cette main est venue comme sortie des ténèbres. Mon cardio a dû frôler le 300 le temps d’une fraction de seconde, tellement j’ai eu peur.

Éric, un fermeur de course qui s’assurait que tout allait bien pour les coureurs. Cette personne a été mon ange gardien pendant toute la traversée.

L’hécatombe

Le 3ème ravito, pffff… Il faut absolument que je prenne du chaud et que je mange sinon je mets ma réussite en péril. C’est ici aussi que se trouve mon sac pour me changer.

Au premier ravito, le chaud prévu n’était pas là. Les bénévoles étaient bien embêtés devant un disfonctionnement du matériel en raison de la météo. Ces 2 bénévoles m’ont réchauffé le coeur en m’offrant des bleuets enrobés de chocolat noir. Humm, ça a bien remplacé le chocolat chaud accompagné d’un soda.

Au 2ème ravito, il y avait trop de monde dans la cabane avec des coureurs en hypo. Un bénévole m’a offert son thé privé pour me réchauffer, car il était impossible pour quiconque de rentrer au chaud. Je l’ai remercié en le rassurant que tout allait bien pour moi, je m’arrêterai au suivant.

Au 3ème c’était pire, du monde, oh là là, beaucoup d’effervesance, des coureurs frigorifier. Une bénévole me demande aussitôt ce que je veux. Du chaud, je ne sais lui dire que ça, je veux du chaud. Elle s’empresse pour me trouver un bouillon mais il y a tellement de monde… Elle se hisse plus proche de la cabane et une chaine de mains se dresse entre les bénévoles pour que je puisse recevoir un peu de chaud. Oh ! J’apprécie ce bouillon… J’en prends un second avec du gâteau aux bananes. De nouveau la chaine se remet en action. Ils sont formidables.

Du chaud et du sec

J’ai beau boire du chaud, je dois me changer.  Je suis toujours dehors, le vent est plus violent que jamais sur mes vêtements mouillés.

Besoin prioritaire à faire d’urgence, récupérer mon sac dans la tente des hommes… Pfff, dur, dur…  Un monde… Difficile de circuler pour repérer mon sac. Une fois en main, go la tente des femmes pour se changer.
Il est plus facile de rentre dans cette dernière. Une dizaine de femmes sont présentes pour se réchauffer ou se changer. Je ne peux pas accéder au chauffage mais je suis coupée du vent. Je me change à la hâte pour repartir le plus vite possible.

J’ai tellement pris froid aux mains que je ne peux plus attacher mon sac à dos pour repartir. Mon amie Diane Dumas qui se trouvait avec moi, m’a aidé à attacher mon sac sur moi et essayé de sécher mes lunettes de ski, mais en vain, ça n’a pas marché…

Pas facile, pas facile… Je comprends la gravité de ce qui se passe quand on m’interdit de repartir seule. Tous les coureurs doivent être minimum 2 pour continuer la traversée.

Je dois attendre et me trouver un comparse de course. Trente minutes d’arrêt m’auront été nécessaire avant de pouvoir repartir. J’aurais dû poursuivre ma route et me débrouiller avec mon stock jusqu’au ravito suivant.

4ème Ravito

Je suis déçue, mais je comprends la situation. J’accepte d’attendre une autre personne. Comme je marche vite je sais que je vais devoir ralentir ma cadence. Cela me frustre, car je mets en péril ma réussite. Je me raisonne, il est plus prudent qu’on veille l’une sur l’autre pour se rendre jusqu’au 5ème ravito.

Impossible de remettre mes lunettes de skis sur les 3 premiers km. La météo est horrible, j’ai les yeux qui gèlent, je n’y vois rien, le vent, le blizzard nous fait dévier de notre route. Nous sommes perdus.

Par chance, l’évacuation de tous les abandons en motoneige nous donne des repères et nous ramène sur le bon chemin. À 3 reprises nous avons dû nous réaligner. Heureusement qu’on était 2, je me félicite une fois de plus d’être une personne obéissante.

Je prends soin de parler avec ma partenaire. On marche ensemble, elle n’a plus de lumière. Je n’étais pas contente d’être jumelée, mais c’était plus sécuritaire. Je me réjouis d’avoir fait ces km à ces côtés. Difficile de discuter, le vent nous empêchait de nous comprendre.

5ème Ravito

Wow, je sens la victoire arriver. Je suis encore super bien, mon mental n’a pas de faille. Cette fois il y a de la place dans la cabane.
Ma comparse de course et moi sommes invitées à rentrer se réchauffer pour boire du chaud et manger. Ah quel bonheur… Du chaud, ne pas se réjouir trop vite, on ne va pas se mentir, on est loin de pouvoir se brûler.

Quand, on vit des expériences aussi fortes, il vaut mieux avoir de l’imagination pour les sensations ou faire appel à sa mémoire pour avoir le bon effet, n’est-ce pas Éric ?

Je dois me trouver un nouveau coéquipier, la précédente abandonne. Les consignes n’ont pas changé, toujours 2 coureurs minimum.

Zut, c’est chiant, mais pas le choix, la sécurité avant tout, je suis la première à recommander ça.

Comme il n’y a pas d’autres coureurs, Éric me dit qu’il repart avec moi. Oh que c’est cool, je suis tellement reconnaissante. Je le remercie de croire en moi et de me donner cette chance de réussir.

Party, victoire

Wow, c’est le dernier ravito, pour moi c’est gagné ! Les bénévoles nous invitent dans la méga grande tente juste pour nous.

Wow, nous sommes reçus comme des rois. Service à la perfection, chichis, boissons chaudes, fraîches, tout y est. On savoure cet instant, 3 ou 4 coureurs, les fermeurs et les bénévoles de la place.

Y a d’la joie, je suis et je vis du vrai plaisir de course, ce pourquoi je fais ça. Le dépassement de soi partager par tout ce monde dans cette tente.
Il faisait bon dans la tente comme dans nos cœurs, même si la course n’était pas finie. Il nous restait 5 km on avait tous le même ressenti, celui de la victoire, la fierté.

Quand la directrice de course est entrée en se demandant ce qui se passait ici, je n’ai pu m’empêcher de lui dire que c’était le party. C’est ce que je ressentais, une ambiance de party autour d’un petit feu. C’était génial.

Arrivée

Prête à repartir, mais toujours pas toute seule, un coureur de Montréal cette fois a emboîté mon pas pour finir en beauté.

Voir défiler les km à l’envers élargit le sourire à chaque fois que tu vois le nouveau chiffre. Malheureusement au km 4, j’ai bien cru que mon sourire allait avoir fini d’exister, quand la directrice de course est venue me dire que je devais courir pour finir…

Je lui ai expliqué, non je ne peux pas, je suis post Covid, je ne peux plus courir sinon j’étouffe, etc…
Elle m’a demandé, si j’avais marché depuis le début, en écoutant ma réponse. Elle m’a dit que je pouvais donc poursuivre.

Je culpabilisais, car je craignais de faire finir les bénévoles trop tard à cause de moi. Je suis retournée la voir à l’arrêt suivant ou elle se trouvait.
Je lui ai dit de me couper si cela gênait sa bonne organisation. Elle m’a dit que non, tout était correct.

Ensuite, se sont les bénévoles en motoneiges qui me faisait de la peine, car ils devaient avoir le goût de rentrer. Je suis allée m’excuser auprès d’eux.

Ils ont eu les bons mots pour me déculpabiliser tout comme Éric, ce qui m’a permis de finir ma course toujours dans le confort comme à mon départ.

Course Cryo recommandée

Je recommande aux personnes qui ont le potentiel de faire cette course Cryo de s’essayer. Elle a tellement à nous apprendre sur nous-mêmes. Le don de soi et le dépassement de soi, la persévérance et la résilience, la solidarité et la compassion. Vivez cette expérience au moins une fois dans votre vie, vous vous sentirez grandir.

Les organisateurs et les bénévoles ont fait un travail de titan. Une belle équipe pour que les coureurs soient bien et en sécurité. On a pu noter ça tout le long du parcours.

Tous sont au petit soin et ne l’ont pas facile dans ce froid intense. Ils doivent donc pallier tous les imprévus que la nature leur impose et font de leur mieux pour nous rendre la course plus facile.

Merci d’offrir cet évènement hors du commun, riche en enseignement, qui vaut la peine d’être vécu.

Longue vie à la course Cryo.

Entraînement course Cryo
Marathon à Drummondville

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