L’Étape 5 à la Gaspésia 100

De retour à la chambre du motel, il était très difficile de penser à autre chose que la suite de ma course.
Je devais me reposer, mais c’était impossible. J’étais bien trop excitée pour fermer l’œil.

Ma place n’était pas là, je ressentais ce besoin d’aller encourager les autres coureurs si je ne courais pas.
Je me suis donc joint à l’équipe de l’organisation, photographes et ravitailleurs pour attendre les coureurs en piste de l’étape 3.
L’étape 2 était déjà passée pendant le temps que je comprenne que ma place était sur la piste et non pas dans ma chambre de motel.

Quand les premiers sont arrivés, ils ont réchauffé l’atmosphère. Nous étions très contents de les écouter nous raconter leurs sensations de l’étape.

Il y avait déjà 29,5km de parcourus et tous étaient contents de faire une pause. La plupart se sont changés, tout le monde avait les pieds mouillés par la première épreuve.

Le départ de l’étape 4

Jean-François Tapp prenait les présences de chaque coureur et vérifiait si ce dernier faisait des changements sur son choix initial. À chaque départ, il pointait les coureurs qui repartaient, cela permettait de savoir qui était sur le parcours pendant l’étape.

En voyant repartir les coureurs, mon cœur était partagé entre la joie de les voir aller et la peur de la suite qui m’attendait. Je commençais à avoir le palpitant secoué par l’incertitude.
Je venais de voir la difficulté s’afficher sur certains visages, cela commençait à m’apporter le doute…

En faisant mine de rien et en ne disant rien à personne, je me suis dirigée à ma voiture pour aller à mon prochain départ qui était le suivant à l’étape 5.

Le départ de l’étape 5

Même si le doute c’était installé quelque peu, cela n’a pas duré, le temps d’arriver au départ prévu à la Commune pour l’étape 5, je songeais déjà à : comment je voulais aborder cette épreuve ?

Pendant la présentation des étapes, Jean-François nous avait précisé que l’étape 5 (des cordes) était accidentée et qu’en général c’est là que les Français apprenaient à sacrer.
Vous comprenez qu’il avait attisé ma curiosité et que je voulais absolument tester ça!!!

Mon groupe au départ de cette épreuve était composé de : Cédric Chavanne, sa conjointe Julie Berthiaume, Yann Bernier, Marie-Eve Blais et moi-même.
D’autres coureurs étaient partis plus tôt pour rentrer dans le temps des 100 miles qui devaient être faits en 30 heures maximum.
Sur les 5 coureurs de ce groupe, j’étais la seule à ne pas avoir fait l’étape précédente.

Il va de soi que je n’avais aucun mérite à courir en tête de ce groupe. J’étais fraîche, reposée, avec l’énergie d’une gazelle.
J’avais seulement 4 km de course dans les jambes versus eux qui en avait déjà entre 20 et 36,3 km pour ceux qui avaient fait toutes les étapes depuis le début.

Mon manque d’orientation

L’inconvénient avec moi qui court devant, c’est mon sens de l’orientation qui est si peu développé… Oui, vous avez raison, oh là là…

Tout le plan de course est sur mon cellulaire. Ouai… Ben, j’ai beau le regarder, ça me dit pas par où je dois aller. La bonne blague on dirait que mon cellulaire est aussi perdu que moi…

J’attends donc le coureur suivant, puis on attend notre spécialiste de la boussole, Cédric.

On reprend le chemin. Pour ma part, ça va toujours très très bien à part si j’ai un choix de direction à faire.

Je me fais plaisir. On grimpe, on grimpe, pas sur les rochers cette fois mais dans la montagne, au milieu des bois, des sentiers.
Mes petites jambes vont super bien. Je suis tellement contente d’être ici, de voir que ce n’est pas si difficile que ça finalement, ce chemin des cordes. J’aime vraiment ce style de course avec la diversité des terrains, du paysage, les coureurs sont sympathiques. C’est cool, je suis à ma place.

Nos supporteurs

En arrivant au sommet, je pousse un cri et fais le saut en voyant Lydiane St-Onge auteur de Lydiane autour du monde et notre super photographe Pierre-Mark Lavoie qui nous attendent pour immortaliser notre venue dans ce paysage incroyable.

Puis, je demande ma route pour poursuivre ce bien être. Lydiane me montre un chemin que je pense inexact, je ris et lui souris pour lui dire merci, mais non…

Tout le monde se met à rire en m’écoutant, car c’est bien ce chemin qu’il faut prendre… Ah, misère… Mon monde s’effondre…

On doit prendre un passage étroit dans les grandes herbes en ne voyant pas grand chose devant si ce n’est un trou, le vide !

Ma plus grosse frayeur

Ehhh, je garde le sourire, mais je sens très bien que mon corps me lâche, je me sens faible subitement.

Je demande aux coureurs à l’aise de passer devant moi, car j’ai besoin de me concentrer pour reprendre mes esprits, contrôler ma respiration, mon être, rester sereine et positive pour que tout se passe bien…

Yann me passe devant et le temps de le dire il avait disparu…
Je suis figée… Je demande aux autres coureurs de passer devant, car il va me falloir du temps pour descendre… Mes pieds glissent constamment, je n’arrive pas à les maîtriser.

Julie et Cédric passent, comme pour Yann le temps pour eux de passer et ils disparaissent comme neige au soleil.

Je réessaie et non pour moi ça marche pas, je suis tétanisée. Mes jambes, mes mains, tous mes membres flageolent. J’ai beaucoup de misère à maintenir les freins avec mon pied et ma cuisse du côté droit. Tout se bloque face à la peur.

Deux dans la même galère

Marie-Eve est derrière et rencontre les mêmes difficultés que moi. Je lui propose de passer mais elle ne veut pas.
Je voudrais prendre des photos, mais impossible de sortir le téléphone, je tremble trop. Je panique dès que les bras s’écartent de mon corps, j’en perds le contrôle de mes pieds.

Je reprends de grands RESPIRES pour m’aider à me concentrer afin de reprendre le contrôle, détendre les muscles qui sont si crispés. Ils me font mal tellement je freine fort.

Petit à petit en me parlant et en parlant à Marie-Eve, je réussis à avancer les pieds ou les laisser glisser plutôt jusqu’à ce que la pente devienne moins abrupte…
J’ai aucune idée du temps que cela a pris, mais cela m’a parut être une éternité pour faire ce petit bout de rien du tout…

Je n’ai pas encore vu le passage des cordes. Je pense à Jean-François et ses explications. Je m’attends au pire maintenant.

Une autre crainte

Je distance facilement Marie-Eve, mais il est hors de question de la laisser. Ce qui fait que je me retrouve seule par bout dans le bois, j’ai peur…
Je trouve que ma cloche à ours ne fait vraiment pas assez de bruit… Je me mets à penser que j’aurais dû en acheter au moins 4 ou 5 pour faire voir aux bêtes que je n’étais pas seule…

Oh là là, qu’est-ce que mon esprit peut nous jouer des tours… Je ne suis pas une fille des bois, je ne suis pas fière d’être là… Disons que je n’en mène pas large.

Mon cellulaire ne veut plus ajouter de photos, alors je demande à Marie-Eve de prendre certaines images à ma place.
Elle rigole, quand je lui demande de me photographier un tas d’excréments d’orignaux, un pont, puis on arrive à notre fameux passage de cordes.

Le passage des cordes

Je le regarde, l’observe… À le voir, de loin, il ne paraît pas si ardu… Les paroles de Jean-François résonnent dans ma tête, “c’est là que les Français apprennent à sacrer”… Je m’abstiens de tout commentaire.

Du fait qu’il y a des cordes pour se tenir, je me sens en confiance. Je m’aide de celles-ci pour descendre, je passe comme une lettre à la poste.
De plus, pour ne pas voir ce qui m’impressionne et me fait peur, je me mets de dos.

Ça va super bien, je me sens pousser des ailes, je viens de gagner la bataille.

Le bonheur toujours au rendez-vous

J’ai épuisé beaucoup d’énergie en combattant mes démons au début de la descente, mais dès l’instant que les cordes ont été passées, je savais que tout danger était écarté.

Marie-Eve avait 10 km de plus que moi dans les jambes. Elle était fatiguée, mais elle s’accrochait.
Mon chéri Christian m’a rejoint en sens inverse, nous avons donc fini l’étape ensemble tout en attendant Marie-Eve.

Cette épreuve a été très rude pour moi, j’ai dû mener un vrai combat contre moi-même pour descendre la première partie de la montagne, mais je suis très fière de moi de l’avoir vaincu.

Grace à la présence de Marie-Eve dans cette épreuve, nous avons pu nous entraider. En s’encourageant mutuellement cela nous a permis de réussir. Ce fût un moment intense et bénéfique pour le dépassement de soi.

Je suis arrivée en retard de 10 minutes pour le départ de l’étape 6, mais mes futurs coéquipiers de l’épreuve m’attendaient.

Je vous les présenterai dans mon prochain récit de l’étape 6, la semaine prochaine.

Ma première étape à la Gaspésia 100
La 6ème étape à la Gaspésia 100

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