Dimanche 23 septembre 2018, c’est le grand jour, le jour J comme on dit. Le moment où tu dois tout donner. La météo était parfaite, mes entrainements des dernières semaines allaient bien. Mes jambes restaient encore sensibles mais en les contrôlant bien cela pouvait me donner un excellent marathon.
Toute fois une chose me tracassait et m’empêchait d’être bien et de vivre pleinement mon marathon. Je devais le faire avec mon amie Roxanne et cette dernière restait injoignable depuis samedi. Vendredi soir nous avions convenu qu’elle m’appelle quand elle arriverait à Montréal et qu’on mangerait ensemble le soir. Samedi soir quand j’ai vu qu’à 17h, je n’avais toujours pas de nouvelles, je l’ai texté, j’ai essayé d’appeler, mais rien. Cela ne lui ressemblait pas, je réfléchissais comment rentrer en contact avec elle sans inquiéter qui que ce soit. Je demande à Kassandra ma fille de communiquer avec sa fille pour savoir un peu ce qui se passe, mais elle ne sait rien.
Je prends donc la ligne de départ avec Christian dans le 5ème coral au lieu du 3 que je devais prendre avec Roxanne. Je suis très mal intérieurement, mais j’évite d’y penser afin de pouvoir faire ma course, j’essaie de me convaincre que tout va bien. Une chance que Christian a changé son dossard du 10 kilomètres pour le 21 comme ça il peut courir avec moi, ça m’aide à ne pas penser.
Les 17 premiers kilomètres se passent très bien, nous avons un bon rythme, mes douleurs aux jambes m’ont laissé tranquille depuis le 5ème kilomètre.
Il reste plus que 5 kilomètres à faire pour Christian et il veut donner un peu plus, je lui dis de partir, de poursuivre sa course à la vitesse supérieure, car je sens qu’il va bien et lui aussi souhaite pousser. On se sépare et moi le petit Hamster agit fort dans mon cerveau… Je prends le bourdon, un gros malaise et une culpabilité s’emparent de moi, car je fais mon marathon et Roxanne en est privée pour X raisons, je me fais les pires scénarios qu’on peut imaginer… J’en peux plus par respect pour elle je veux arrêter le marathon et aller à sa recherche. J’appelle Kassandra et lui explique ce qui se passe dans ma tête et comment je ne suis pas bien, je n’arrive pas à profiter de ma course et être heureuse car je suis trop inquiète. Le pire c’est que je culpabilise de courir alors qu’elle est peut-être séquestrer ou autre… Kassandra est très surprise d’écouter que je veuille arrêter mais comprends car elle aussi est inquiète. Je lui explique que je vais tout donner pour aller jusqu’au 21 et je pars à la recherche de Roxanne. Je raccroche et ne me sentait pas mieux, malgré cette décision que je venais de prendre. Je ne comprenais pas, je pensais qu’en faisant ce choix cela allait m’aider… Ben non j’étais encore plus mal car j’abandonnais mon marathon… Cela m’a pris 2 minutes pour comprendre tout ça, je rappelle de nouveau Kassandra et là je lui dis, non je dois finir le marathon avant d’aller à la recherche de Roxanne. De toute façon cela ne changerait rien, Roxanne ne pourra pas courir avec moi. Je demande à Kassandra de bien me donner des nouvelles si elle en a.
Je reprends ma course avec de la peine au cœur mais bien dans mes jambes et dans mon dernier choix de finir le marathon. C’est fou, on ne sait jamais comment va se passer une course, mais jamais je n’avais pensé avoir ce cas de figure à gérer.
Kassandra ma fille est vraiment une excellente supporter. Elle est une personne très importante dans mes marathons, c’est mon assistante de course. Elle a pu me corriger tous les troubles que j’ai eus sur mon parcours. Au 7ème kilomètre, elle m’a apporté mes mouchoirs que j’avais oubliés. Au 16ème kilomètre, elle m’a trouvé des pansements, car mon sac d’hydratation m’a blessé dans le cou. Au 21ème kilomètre, elle a vu que mes doigts commençaient à enfler, alors nous avons marché ensemble un bon 500 mètres, le temps que je puisse enlever mes 10 bagues, 2 étaient déjà bien prises dans mes chaires. Elle m’annonçait aussi que Roxanne allait bien, mais elle ne savait pas encore où elle était et ce qui lui était arrivé.
Ces mots m’ont redonné un élan dans mon cœur, un sourire et le goût de faire ma course comme du monde et non pas avec un poids lourd sur les épaules et sur le cœur.
Au 27ème kilomètre Kassandra m’attendait, toujours avec son sourire et le goût de m’apporter son soutien. Je lui demande si on tourne bientôt car je veux pousser dans les derniers 10 kilomètres. Elle m’explique que je vais faire le tour dans le parc et qu’elle sera là à mon prochain passage.
Ça va très bien, le parc est très beau, le parcours est agréable, j’ai toujours beaucoup de questions qui me trottent dans la tête au sujet de Roxanne, mais cela ne me fait plus la même chose que pour les 20 premiers kilomètres. Maintenant je savoure les kilomètres, je profite de la musique sur le parcours même s’il y a pas autant de groupes que j’avais pensé. J’observe les coureurs et je vois très bien que pour moi cela à l’air facile par rapport à ceux que je dépasse ou que je suis.
C’est au 33ème kilomètre que je discute avec Kassandra pour la dernière fois sur le parcours. Je lui dis que je peux encore rentrer dans mon temps de 4h30. Elle me parait surprise mais elle est contente de voir que je suis bien.
Les 9 derniers kilomètres ne se sont pas passés comme je l’aurais voulu, j’ai pris des douleurs musculaires dans les cuisses et la hanche gauche, j’ai donc fait beaucoup de mini-pauses pour aller jusqu’à l’arrivée.
Au 38ème kilomètre, j’ai eu les encouragements et les beaux sourires de Marie-Claude et André, c’est fou comme les supporters peuvent te donner du power.
Au 41ème kilomètre, j’ai vu Nathalie, Nancy, Mylaine et Sylvie, là encore le sourire et l’énergie te poussent, une fierté t’envahit car tu l’as fait, il reste encore un peu à donner avant la ligne d’arrivée mais le résultat est au bout de tes yeux…
Vous les supporters vous êtes vraiment très importants dans mes courses, tous ces bons mots que vous pouvez donner sont du bonheur et de l’énergie.
Un photographe au 40ème kilomètre m’a fait rire car il me dit : « courir avec autant d’élégance et ce sourire encore au 40ème, c’est merveilleux, bravo et merci »
En arrivant, j’ai appris que Roxanne avait fait, elle aussi son marathon. Quand j’ai appris ça, j’étais contente, mais tellement déçue pour moi, car son silence m’a vraiment tué ma course, j’avais failli abandonner à cause de ça. Je savais qu’elle avait des explications, mais si seulement j’avais su avant mon départ qu’elle allait bien…
J’ai fini mon marathon en 4h33
4 Commentaires. Leave new
Quelle belle histoire!
La générosité et le souci de l’autre sont des valeurs inestimables mais parfois il faut savoir aussi penser à soi .
Malgré cela , belle remontée et force psychologique!!
Merci Guylaine, tu me confirmes ce que je suis, effectivement.
J’ai toujours le souci des autres.
Bravo pour ta course Béat! Content que tu aies franchi la ligne dans ce temps! Content de voir que Roxanne a couru également! Histoire intrigante, mais au dénouement heureux! Bravo pour ton entraînement, ta persévérance et ta bonne humeur tout au long de nos sorties d’entrainement!
Merci Sylvain, ton soutien et ta présence ont été rassurants et ont allégés mon travail.
J’ai pu me consacrer grâce à toi uniquement à la course sans me soucier de la partie préparation d’entraînements.
Je vais revenir en force pour refaire mon vrai marathon car je reste sur ma faim.
Je vais donc re-signer pour Montréal en 2019, histoire de conjurer le sort car j’ai aimé le parcours et l’ambiance.